Acqua Alta : les hautes eaux, sculpture, 2013

dim. 11,30m x 1,44m x 2,20m.

Véritable gondole vénitienne, mât en acier peint.

 

Une des premières oeuvre de l'artiste Laurent Valera sur la thématique des changement climatiques réalisée grâce à l'institut Culturel Bernard Magrez à Bordeaux. Fragilité de cette emblématique ville de Venise soumisse à la menace des eaux.

Une des premières oeuvre de l'artiste Laurent Valera sur la thématique des changement climatiques réalisée grâce à l'institut Culturel Bernard Magrez à Bordeaux. Fragilité de cette emblématique ville soumisse à la menace des eaux : Acqua alta !
Acqua Alta : les hautes eaux, 2013.

Acqua Alta : les hautes eaux »  

ou la gondole verticale.

 

L’Acqua alta n’inonde pas, n’envahit pas, ne détruit pas. Elle est une exhortation à la révolution en trois dimensions.

 

La gondole verticale n’est plus la barque à fond plat glissant sur les eaux d’émeraude. Elle n’est plus la gondole « silencieuse », selon Pierre Loti, , « lugubre », de Franz Liszt, ou "l’étrange embarcation " de Thomas Mann mais un grand oiseau noir aux extrémités corse, cabrée et dressée vers le ciel. Elle se refuse à glisser sur la platitude de la surface lacustre. Arrimée à sa paline aux torsades d’azur, la gondole funèbre mais si vivante, se cabre, se hisse et se hérisse. Non pas avec la poupe relevée du dernier naufrage, mais avec sa proue dardée vers le ciel, et le fer, en forme de hallebarde, aux six dents d’acier, devenues verticales et conquérantes.

 

Acqua alta. L’eau monte mais ne détruit pas. Loin d’une immersion c’est une révolution. Fondatrice et salvatrice de la ville, l’eau invite à la reconquête d’une nouvelle dimension.

 

Loin de la surface plane de Barbari et des eaux impassibles, Venise revendique ici sa verticalité. Parce que tout est verticalité en elle : des pilastres de Sansovino ou de Coducci au les colonnes de Palladio, ou des campaniles et des cheminées aux tourelles du Molino Stucky. Et, le vrai Vénitien sait qu’il doit rester debout sur la gondole, à l’unisson des pali torsadés et couronnés de leurs coiffes dorées. Tous structurent la verticalité de Venise. L’eau qui se fait haute la pousse davantage vers les hauteurs. L’acqua alta élève, bouleverse ou reconstitue. L’eau ne ronge pas Venise, elle la renforce et la raffermit.

 

Verticalité et éternité de Venise, comme si Venise ne se levait et se relevait lorsque l’eau menace la terre.

 

Acqua alta n’évoque pas la lutte millénaire entre la barque légendaire et le pieu auquel elle s’arrime. Elle nous invite à les regarder autrement. Nulle rupture. Emportée par les eaux, la gondole ne heurte pas sa paline, elle ne la brise pas. Elle s’accole à elle, s’accouple avec elle, les dents de son fer dressée vers le zénith. Le pieu n’est pas prétexte. Parce que les pieux, enfoncés par millions, constituent le sol de Venise, sa véritable terra ferma. Finie la vision imposée de ce qui est plat et maritime. Le symbole galvaudé mais revisité s’offre dans une perception nouvelle. Oubliée, la « surface d’eau, merveilleusement unie » d’Henri de Régnier. La gondole prête à l’envol, sans felze mais avec sa forcola, désormais inutile, nous offre la dimension d’un nouveau possible qui est aérien. Elle suggère les éléments conçus dans leur éternité. Venise n’est pas « la mer et un peu de terre » comme le croyaient les vieilles légendes vénitiennes. Venise n’est pas le « docile miroir de toutes les nuances du ciel ». Acqua Alta nous invite irrésistiblement à regarder vers le haut. Le ciel est ailleurs et ne saurait se réduire à un reflet. Et le ciel affranchit le créateur de toutes contingences newtoniennes.

 

Ainsi, la barque banale devient-elle un fanal. Acqua Alta est une exhortation à mieux voir ce que nous avons déjà vu. A revisiter ce que nous avions toujours cru unidimensionnel. A comprendre qu’un « bec de métal dentelé » n’est pas destiné à fendre inlassablement les eaux lagunaires mais peut aussi défier les dieux du ciel. A concevoir qu’une paline n’est pas destinée à maintenir fermement à l’arrêt mais peut se faire aussi rampe de lancement pour un voyage vers une nouvelle forme d’immatérialité. Dès lors, qu’importe si d’aventure le voyage était impossible. Défi aux certitudes, Acqua Alta nous dit que tout ce que nous avions accepté de voir et de savoir jusqu'à présent est peut être trompeur. Peut être aussi trompeur que ce que nous pensons de nous-mêmes.

 

 

Bertrand Favreau

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Acqua Alta : les hautes eaux, 2013.

 

Rêves de Venise, stèle d'orient.

 

Dans le parc du château Labottière, une gondole, comme tombée du ciel, est plantée à la verticale dépassant de sa figure de proue les frondaisons des tilleuls et les toits proches. C'est la dernière œuvre du plasticien Laurent Valera sous l'impulsion de Bernard Magrez.

Vertige, la gondole n'est plus gondole, ni pirogue, ni en état de voguer. Elle a quitté son élément, la voilà arrimée à l'intérieur des terres. Elle s'est mise debout. Alors, oui, les petits bateaux qui vont sur l'eau ont bien des jambes, maman.

Mais elle est tellement grande, tellement haute et noire, effilée, puissante qu'elle inquiète et dérange. On sait qu'elle s'appelle Acqua Alta…Hautes eaux.

Est-ce un tsunami géant qui lui a fait quitter sa lagune? Un bombardement interplanétaire a-t-il chamboulé notre monde? A- t'elle voulu quitter "l'Europe aux anciens parapets"? La voilà devenue totem, poteau sacrificatoire, cadran solaire à mesurer notre temps, barque de Charon prête à embarquer nos âmes dans sa noirceur et son ventre sanglant?

Rien dans l'œuvre connue de Laurent Valera ne nous a préparés vraiment à cette Acqua Alta: pas de reflets, d'images mouvantes, de miroirs tremblants, juste la subversion des codes, la recherche de l'au-delà des choses. L'horizontal devient vertical, le dominé dominant, le connu inconnu…

Quoique… Elle tourne son dos cintré à la pluie, face à l'est comme le château Labottière et comme toutes les maisons traditionnelles du Sud-Ouest. Elle est là sur notre chemin, fière et droite comme une longue lame de basalte, elle a quelque chose de sacré à nous faire comprendre.

Oui, voilà, sa forme, son orientation et sa couleur parlent pour elle, c'est une stèle, un monument destiné aux passants, à leur dire la douleur, la gloire passées, la destinée.

Et le poème de Victor Ségalen, cet étudiant bordelais d'autrefois, de souffler:

"…remarquez bien, dans son nom, l'EAU, jetée au sort, se remplace par le VENT.

Or le vent renverse, c'est péremptoire…

Préparez la chaise des noces"

 

Jacqueline Nalis

21/03/2013

(citation in: Stèles orientées, On me dit / Victor Ségalen)

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Acqua Alta : les hautes eaux, 2013

 

 

Cette oeuvre monumentale de Laurent Valera, produite par l'Institut Culturel Bernard Magrez, intègre l'exposition " Rêves de Venise " du 23 Mars au 21 Juillet 2013.

 

" Rêves de Venise " exposition d' une trentaine d'oeuvres - peintures, sculptures, photographies, vidéos et installations - qui viendront célébrer la ville des doges et, à travers elle, une métaphore de l'art et de la cuture. Parmi les artistes exposés, Sophie Calle, Canaletto, Maurizio Cattelan, Alberto Giacometti, Nan Goldin, Camille Henrot, JR, Anish Kapoor, Yves Klein, James Lee Byars, Claude Lévêque, Takashi Murakami, Jean-Michel Othoniel, Martin Parr, Rudolf Stingel, Cy Twombly, Agnès Varda, Massimo Vitali...

L'oeuvre "Acqua Alta : les hautes eaux" est installée dans le parc de l'Institut Culturel Bernard Magrez.

 

 

 

Vidéo de la mise en place de l'oeuvre Acqua Alta : les hautes eaux :